Critique, n° 865-866. Alain Corbin : un tour de France des émotions

Ce que dit l'éditeur

Un tour de France des émotions

Un historien qui a fait voeu de tout entendre et de ne rien cacher des désirs et passions des hommes; un fouilleur d'archives arpenteur de bocages qui prend plaisir à « voyager la France » ; un enquêteur féru d'ethnographie qui aime à pister des vies minuscules : tel est Alain Corbin. Il s'est toujours tenu à l'écart des emballements idéologiques ; à distance irrespectueuse des événements fondateurs et du culte des grands hommes; éloigné aussi de l'histoire quantitative, quand elle prétend lire la réalité dans les seules courbes statistiques.

Franc-tireur et volontiers iconoclaste, il invente, loin des sentiers battus, une histoire qui surprend, dérange, choque et séduit. Il donne chair au monde disparu de ces hommes et de ces femmes d'« en bas » qui laissent peu de traces dans les archives. Provocateur, il lance : « Il y a tant d'historiens de la misère, je serai un historien du plaisir. » Il est en vérité l'un et l'autre. L'histoire selon Corbin n'ignore nullement les misérables, mais elle n'a rien de misérabiliste. Elle en sait long sur la cruauté comme sur les plaisirs. Tout simplement, sans doute, parce qu'« elle en sait long sur l'homme » : cette définition donnée par Barthes du savoir littéraire convient à merveille au savoir historique selon Alain Corbin.