L'être double

Ce que dit l'éditeur

Renée Vivien (1877-1909) n'en finit pas de nous étonner. Par sa voracité littéraire, tout d'abord, qui traverse histoire et continents. Voici que, dans L'Être double, paru en 1904, vient se mêler à de nombreux poètes d'Occident le large éventail de la littérature japonaise ! Au point que la lecture de ce roman soulève la question : poème romanesque ou roman poétique ?

Ici, la poésie, derrière ses paravents, cache et souligne à la fois une intrigue prosaïque et violente : à une femme fleur, Géraldine, et son vaniteux taureau de mari, Raoul, apparaît Natacha, un ondoyant être double, « Adonis féminin », raffiné mais sans argent, saphique mais ne reculant pas devant la trahison de ses goûts... séduisant l'époux par intérêt tout en désirant l'épouse... « ... je suis un Être Double. Il y a en moi quelque chose de brutal et quelque chose de perfide, un mélange du tyran et de l'esclave. Le masculin despotique s'y heurte à une féminité en révolte. (...) Pourtant une aspiration confuse vers le Mieux survit encore aux laideurs de ma vie. Et cette aspiration monte jusqu'à Géraldine ainsi qu'une flamme. Je voudrais cacher mon abjection dans un pli de sa robe, et pleurer... pleurer... pleurer. »

La poésie, qu'incarne ici le personnage de Vivian Lindsay, Sappho américaine à la lyre nippone, ne peut qu'accompagner, superbe mais impuissante, le crime monstrueux de la vie.

« Cela me distrait parfois de jouer avec les désirs des hommes, répondit Natacha. L'âpreté de cette lutte plaît à ma rudesse de bête fauve. Et, lorsque j'ai pu faire souffrir un mâle dompté par sa convoitise, j'éprouve une volupté féroce. Parfois, je suis blessée à mon tour par la brutalité de mon adversaire. Mais je recherche jusqu'à ces blessures, car elles avivent merveilleusement ma haine »
L'Être double, chapitre XVII.