Seules les larmes seront comptées

Ce que dit l'éditeur

Voici un homme arrivé à l'heure des bilans. Directeur d'un hôpital parisien, il ne peut oublier que, trente ans plus tôt, dans un amphithéâtre vétuste, aujourd'hui détruit, on a exhibé devant les étudiants sa mère mourante. Sur sa poitrine, un écriteau proclamait la maladie qui l'emportait.

Cette mère avait été la modeste Schéhérazade de son enfance ; et elle était pénétrée de la sagesse des humbles. D'autres images s'imposent, souvenirs d'Argentins : Gabriel, le kinésithérapeute aveugle. Nicolas, le frère. Et aussi Eva Peron, pareille à une idole, grimpée sur un tracteur et haranguant les miséreux, les sans-chemise.

Mais une extravagante figure mène la danse. C'est M. Moralès, qui fut un grand couturier et qui se précipite tour à tour dans la recherche de l'absolu et la noire béatitude de l'abjection que l'on rencontre dans les bas-fonds. Dans son sillage, des excentriques : Cora Boimare, la vieille maîtresse ; une soeur quelque peu mystique : Dolorès - qui est peut-être sa fille -, jeune cantatrice asservie par la luxure à un musicien que rien ne console de ne pas être Schönberg. Tous courent avec jubilation à leur perte comme s'ils étaient les acteurs d'un théâtre tragique et cocasse, mis en scène par l'inépuisable imagination de M. Moralès.

Il faut le souvenir de la mère pour que s'apaise ce tumulte de la mémoire. Alors, comme un cauchemar s'évanouit à l'aube, le cortège d'ombres se dissipe à l'horizon... e la nave va.